mercredi 13 décembre 2017

Des clarifications s'imposent - Lettre ouverte à Pierre Laurent à propos de la Palestine et du racisme

J'adresse, ce jour à Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, une lettre ouverte à la suite de son expression, dans le journal l'Humanité, à propos d'accusations de soutien au terrorisme et à l'antisémitisme.

Cher Pierre,

Dans le journal l’Humanité paru le 1er décembre 2017, tu exprimes ton point de vue en tant que secrétaire national du PCF. Tu fais suite aux accusations de responsables politiques français et du gouvernement israélien, qui nous reprochent, à mots couverts, de soutenir le terrorisme et à l’antisémitisme.

Comme tu le dis dans cette tribune, il est inacceptable de nous accuser d’antisémitisme. Ce sont des tentatives qui visent à nous disqualifier et qui s’apparentent à du terrorisme intellectuel. Je trouve néanmoins tes explications limitées, datées et manquant d’envergure. Des clarifications politiques s’imposent. Il y va de la crédibilité du Parti communiste français tant au niveau national qu’international.

C’est un Parti communiste à la pointe, incisif, clair et plus ouvert dont nous avons besoin. Un Parti communiste courageux et entreprenant, avec une vision globale et géopolitique du Moyen-Orient. Notre combat pour une paix juste et durable en Palestine est plus que jamais d’actualité. Il nécessite la création d’un État Palestinien, à côté de l’État d’Israël, qui se base sur les frontières de 1967, avec comme capitale, Jérusalem Est.

Lorsque tu dis que le conflit israélo-palestinien passe par des solutions politiques, dans le respect du droit, je suis pleinement de ton avis. Pourtant, nous ne pouvons sous-estimer sa dimension religieuse. Nous ne pouvons ignorer que l’Etat d’Israël est non laïc. Il a poursuivi une colonisation au rouleau compresseur. C’est la victoire du sionisme religieux extrémiste et des connivences, de fait, avec le Hamas. Ce jeu mortifère, fait le lit de l’islam radical et contribue à discréditer l’autorité Palestinienne.

Le comble du cynisme, c’est le Président Turc Recep Tayyip Erdoğan, qui, au nom de l’islamisme, tente de récupérer la cause palestinienne avec la complicité du Hamas.
La décision du Président américain Donald Trump, de considérer Jérusalem comme la capitale de l'État hébreu contribue à nourrir la guerre entre le judaïsme et l’islam. C’est l’exemple typique de la victoire de cette droite américaine et religieuse, de cette politique belliciste et injuste que mènent les États-Unis au Proche-Orient depuis des décennies. On a d’ailleurs pu observer, au Liban, que le Hezbollah a servi de fer de lance à Bachar al-Assad en Syrie.

Pour faire un bref historique, il faut se rappeler :
  • des conséquences de la Révolution islamique d’Iran en 1979 et de l’intervention soviétique en Afghanistan 
  • du rôle des frères musulmans en Egypte avec l’assassinat du Président Anouar el-Sadate en 1981 (la même idéologie que diffuse Tariq Ramadan, le chouchou des islamo-gauchistes et une partie de la gauche française) ;
  • de la première intervention militaire dans le Golfe en 1990 et, dans le même temps, de la guerre civile en Algérie menée par le Front islamique du salut (FIS) et les groupes islamiques armés (GIA) (des milliers d’entre eux sont venus se réfugier dans les banlieues françaises). (L’affaire Khaled Kelkal de 1995, membre du GIA ainsi que le détournement d’un Airbus en décembre 1994 en témoignent) ;
  • de l’assassinat, en 1995, d’Yitzhak Rabin par des rabbins extrémistes.
  • Et je rappelle aussi en 2002, la courageuse décision du Président Chirac de ne pas intervenir en Irak.
Expliquer la situation avec les seules visées impérialistes est trop simpliste car les responsables arabes continuent toujours de parler de revanche, voire de vengeance, abandonnant les palestiniens à leur sort.

Après la série d’attentats qui ont touché la France, il faut voir de près ce qui se passe sur notre territoire national. La menace fondamentaliste islamique est réelle. Les musulmans très inquiets, sont mobilisés contre elle. Cependant, une partie de la jeunesse française est endoctrinée puis conduite vers l’engagement djihadiste. Grâce aux réseaux sociaux et la télévision al Jaseera, utilisée chaque jour dans le monde par des prêcheurs islamiques, cette menace s’accentue inéluctablement.

Nous sous-estimons la réalité de l’antisémitisme sous-jacent dans les ghettos sociaux et ethniques. Ceux que l’on appelle désormais « les territoires perdus de la République ». Ces faits sont avérés et se sont amplifiés depuis les années 1990. C’est un constat : la haine des juifs s’exprime quotidiennement et, dans un même mouvement, la haine de la France se renforce.

Or, nous avons éludé les effets sociaux, culturels et politiques de l’immigration musulmane. Cette dérobade a constitué le jackpot du Front national car nous avons souvent nié la réalité récurrente des problèmes liés à l’islam et l’islamisme.

J’ai l’intime conviction, je me base sur des faits, que l’immense majorité des français n’a pas la haine de l’islam. (Par exemple, Vénissieux, nous avons contribué à construire deux mosquées en concertant les habitants). La population a des appréhensions que je considère comme justifiées au regard de la mal-vie qui s’aggrave quotidiennement. J’ajoute que beaucoup de musulmans éprouvent un certain malaise face à ces comportements qui se sont modifiés ces dernières décennies. Il y a eu l’apparition de tenues vestimentaires religieuses dans l’espace public, mais aussi des pratiques communautaristes (les boucheries traditionnelles se font de plus en plus rares. Les boulangeries à la française font exception) et une police de la pensée – la charia – dans certains territoires, où sont concentrés des milliers d’habitants. Une vie d’enfer est menée aux jeunes filles et jeunes femmes afin qu’elles se soumettent. L’exemple du voile intégral est la démonstration criante de leur subordination.

Pour les communistes, la laïcité est un combat politique. Nous devons dénoncer, qu’au nom d’une religion, on leur interdise de s’habiller à la française, on arrange des mariages, on empêche des femmes de disposer librement de leur corps en les empêchant de se rendre au planning familial, ou en les séquestrant.

Nous avons grand besoin de limpidité dans notre combat politique contre le racisme. Au travers de mon expérience de maire et de député, j’ai fait le constat que face au racisme anti-arabe, le racisme antiblanc et anti France est jugé inégalement, voire ignoré. De fait, ce type de racisme antiblanc et anti France a pris de l’ampleur et s’est nettement aggravé. Ce déni de réalité décrédibilise le PCF et donne l’impression à beaucoup de Français que nous fermons les yeux. Cette situation n’est pas tenable.

D’un point de vue politico-idéologique, on peut désormais observer des phénomènes nouveaux, portés par les médias et une certaine presse. L’exemple le plus caricatural est celui du parti des indigènes de la République qui dit se distinguer des juifs et des blancs comme si la France, l’Etat, la société était raciste.

Cette dérive qui conduit au racisme antiblanc, anti-juifs et anti France doit être prise au sérieux. Ces minorités actives se fondent sur des marqueurs sociaux, ethniques ou religieux. Il y a danger et notre combat communiste doit inclure ces données, qui peuvent masquer des germes de guerre civile ethnique.

Face à ces périls, nous devons mener les choses en toute clarté, combattre la haine d’où qu’elle vienne et, plus que jamais, faire reculer l’obscurantisme, le fanatisme et toute propagande guerrière. Car tout ceci concourt à faire que des enfants français soient devenus des soldats d’Allah, en guerre contre la France, en guerre contre tout ce qu’il y a de meilleur dans notre histoire et nos traditions républicaines.

Nous n’échapperons pas à la critique de l’islam, deuxième religion de France, cet islam spirituel instrumentalisé par un islam politique. Ces fondamentalistes, prosélytes, se jouent de la drogue et des mafias, ils pourrissent la vie de nos quartiers, de nos gamins et contribuent à l’enfermement, à l’endoctrinement, à l’embrigadement. Ces tabous doivent tomber. En France, selon l’enquête réalisée en 2016, à la demande de l’institut Montaigne, 28 % des musulmans sont les adeptes d’un islam incompatible avec la république. Ils récusent la laïcité, considèrent les lois de l’islam supérieures à nos lois républicaines. Ils ont recourt à des marqueurs identitaires : le voile, le niqab ou le hallal.

C’est le résultat de tentatives des mouvements salafistes et de la doctrine des frères musulmans qui sévissent depuis les années 1980. Ce sont 50 % des jeunes de moins de 25 ans qui sont touchés selon cette même étude. Les enfants français issus de l’immigration maghrébine, en sont les principales cibles.

Le Parti communiste doit s’adresser aux musulmans pour les appeler à prendre les choses en main, afin qu’un islam compatible avec la République, un islam francisé s’installe.

Osons une main tendue aux français de confession musulmane dans le même esprit que la main-tendue aux chrétiens. Construisons avec les intéressés des réponses sociales, politiques et spirituelles. Construisons des convergences avec le monde du travail. Appelons-les à la prise de parole, à refuser l’embrigadement de l’islam politique, et, côte-à-côte avec les musulmans, appelons à faire acte de citoyenneté, dans la ville, l’entreprise, pour vivre ensemble dans la fraternité et le respect. Encourageons le développement d’un islam des lumières en luttant contre la propagande idéologique totalitaire de cet islam obscurantiste.

Il est impératif de faire tomber les murs de l’extrême droite et l’islamo-fascisme pour s’unir contre l’antisémitisme contre la xénophobie, contre le racisme anti-arabe, contre le racisme antiblanc et anti France.

La parole des communistes doit être haute, forte et audible. Des millions de français sont en attente. Ils se réfugient dans l’abstention, ou dans le vote FN. On y retrouve d’ailleurs d’anciens électeurs communistes des années 1970-1980.

Voilà, Cher Pierre, quelques réflexions et remarques rugueuses et des propositions, cash, sur ces questions vitales qu’il n’est plus possible d’esquiver. Elles méritent des débats et des confrontations sérieuses et approfondies. Car nous devons donner de la vitalité et de l’envie dans la préparation du congrès extraordinaire de 2018.

Nous devons sortir de notre frilosité. Nous avons besoin d’audace, de souffle et de culot. Et, comme je l’ai dit à plusieurs reprises, le Parti communiste a besoin d’un big-bang intellectuel pour un nouvel ordre international afin de porter notre idéal.

Le communisme n’a pas dit son dernier mot.

Reçois, Cher Pierre, mes fraternelles salutations.

André GERIN

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